Recyclage du plastique : bénéfique ou inutile pour l’environnement ?

Recyclage du plastique : bénéfique ou inutile pour l’environnement ?

| Auteur: Patrick Semadeni

L’association RecyPac a été créée le 30 novembre 2023 à Zurich. Des acteurs de toute la chaîne de valeur se sont réunis pour mettre en place en Suisse un système national harmonisé de collecte et de recyclage des emballages plastiques et des briques à boisson. Toutes les organisations environnementales ne soutiennent pas le recyclage. Quelle est l’utilité réelle du recyclage des plastiques ?

Quels sont les avantages du recyclage pour le climat ?

L’empreinte carbone moyenne des matières plastiques sur l’ensemble du cycle de vie, hors recyclage, s’élève à 4,9 kg eq CO2 par kg de matériau. Cette valeur pourrait même être en hausse, car les pays producteurs de matières premières exploitent de plus en plus de centrales électriques au charbon.1

En Suisse, le système du plastique génère 5,4 millions de tonnes d’eq CO2, ce qui correspond à 4,7 % de l’empreinte carbone totale du pays. Avec un taux de recyclage de 31 % (emballages 63 %) - considéré comme réaliste à moyen terme sur l’ensemble des produits - cette valeur tomberait à 4,0 millions de tonnes, soit une baisse de 1,4 million de tonne.1

La vieille histoire de l’entrecôte

Quelle est l’incidence de la réduction mentionnée ci-dessus sur une personne en Suisse ? Le bénéfice environnemental est-il aussi minime que décrit ci-dessous ?

«Si une personne en Suisse procède au tri de 70 % de ses déchets plastiques pendant un an, le bénéfice environnemental est équivalent au fait de renoncer à manger une entrecôte»2

Vérifions cette affirmation :

Die Einsparung durch den Verzicht eines Steaks

L’économie réalisée en renonçant à un steak

La viande de bœuf génère au total 13,3 kg d’eq CO2 par kg de viande.3

Si nous considérons que l’entrecôte pèse en moyenne 250 g, renoncer à consommer une portion permet d’économiser 3,33 kg d’émissions de CO2.

  
Martin D Brown / Shutterstock.com

L’économie réalisée grâce au recyclage de 70 % des déchets plastiques d’une personne

Calculons d’abord l’eq CO2. Économie en cas de recyclage de tous les déchets plastiques :

Données de base  
Déchets municipaux (emballages plastiques)4225'000Tonnes
Nombre d’habitantes et d’habitants en Suisse58'865'270Personnes
   
Part des déchets plastiques municipaux par personne et par an  (A)25.38Kilogramm
Facteurs d’émission système linéaire  
Facteur d’émission Matière première-Transformation-Élimination (linéaire)1 (B)4.9 
   
Total eq CO2 Par personne et par an [(A)x(B)]124.36Kilogramm
Facteurs d’émission du système de recyclage circulaire  
Facteur d’émission  Recyclage60.5600 
Facteur d’émission nouvelle transformation70.9475 
   
Facteur d’émission Recyclat-Transformation-Recyclage (circulaire) (C)1.5075 
Économie système circulaire vs. système linéaire  
Économie nette facteur d’émission en cas de recyclage [(B)-(C)] = (D)3.3925 
   
eq CO2 Économie par personne et par an [(A)x(D)]86.10Kilogramm

Si on économise 70% grâce au recyclage, cela représente 60,3 kg d’eq CO2 . C’est presque vingt fois plus d’économies qu’en renonçant à manger un steak.

Autrement dit, il faudrait que l’entrecôte pèse 4,5 kg ! Ce qui fait beaucoup.

En effet, la consommation annuelle de viande de bœuf en Suisse était de 13,15 kg par habitant en 2022.8

Autrement dit, l’économie réalisée grâce à un recyclage de 70 % correspond à un tiers de la consommation annuelle de viande de bœuf d’une personne en Suisse, et non à une seule entrecôte.

Le recyclage est considéré comme une partie de la solution

Une étude portant sur l’impact du système plastique sur les systèmes des frontières planétaires est arrivée à la conclusion suivante :

«L’augmentation des taux de recyclage concerne tous les piliers de la triple crise planétaire visée par l’accord du programme des Nations unies pour l’environnement » et : « Le recyclage est essentiel pour obtenir des plastiques respectueux de l’environnement, car il permet de réduire au minimum la production de matières premières.»9

C’est également l’avis du monde politique, puisque de nouvelles réglementations comme l’ordonnance sur les emballages et les déchets d’emballages ou l’ordonnance sur les véhicules hors d’usage prévoient des quotas de recyclage ou l’utilisation de matériaux recyclés.

Le recyclage va s’améliorer au fil du temps

Une étude réalisée par Material Economics, une société de conseil en environnement basée à Stockholm, présente des scénarios dans lesquels le facteur d’émission du plastique recyclé sur toute sa durée de vie tombe à 0,1 kg eq CO2 pour 1 kg de matériau, si le système est conçu de manière optimale (système énergétique décarbonisé) 10 :

Même Extinction Rebellion considère le recyclage comme une partie de la solution

Extinction Rebellion est une organisation dont les activistes luttent contre la crise climatique par des actions relevant également de la désobéissance civile, attirant ainsi l’attention sur ce problème environnemental urgent.

Voici ce qu’Extinction Rebellion écrit sur son site web :

« Bonne nouvelle ! La science travaille depuis plusieurs décennies sur des solutions : pour chaque question et chaque problème, il existe un projet. Nous ne présentons ici que quelques exemples, l’ensemble de la boîte à outils est bien plus vaste ! Le véritable enjeu est de trouver des solutions à temps »11

Elle fait référence au Project Drawdown sur son site web. Les potentiels d’économie des émissions de gaz à effet de serre y sont mentionnés pour tous les secteurs.

Au total - tous produits et secteurs confondus - des mesures appropriées permettraient d’économiser 1637,26 gigatonnes d’eq CO2 sur la période 2020-2050. 12

Dans le domaine des plastiques, le recyclage est également cité comme solution, ce qui permettrait d’éviter l’émission de 1,69 gigatonne d’eq CO2 sur la même période. 12

Pour être exhaustif, il convient de mentionner que la réduction drastique de la consommation de plastique est également citée comme une mesure nécessaire et qu’elle a même un effet sur le climat encore plus important que le recyclage. 12


(Karl Nesh / Shutterstock.com)

La voie serait donc libre pour les produits jetables ?

Dans de nombreux cas, les produits réutilisables sont plus écologiques que les produits jetables. Un changement devrait avoir lieu à ce niveau. La base devrait être une évaluation du cycle de vie scientifiquement solide.

Un rejet généralisé du jetable au profit du réutilisable, comme le préconisent certaines ONG, peut entraîner une augmentation de l’impact environnemental si, par exemple, il est nécessaire d’effectuer de longs trajets et de recourir à des procédures de nettoyage coûteuses. Ces dernières résultent des exigences en matière d’hygiène, notamment pour les denrées alimentaires.

C’est également l’avis du Parlement européen qui, lors du vote en plénière du 22 novembre 2023 sur le nouveau règlement sur les emballages et les déchets d’emballages PPWR, a décidé d’apporter la modification suivante concernant les quotas obligatoires de réutilisation :

« 14a. … Les acteurs économiques sont dispensés de l’obligation d’atteindre les objectifs fixés dans le présent article si la réutilisation ne constitue pas l’option offrant le meilleur résultat environnemental global sur la base d’une telle analyse du cycle de vie. »13

Même au sein de la deuxième instance qui s’occupe du projet, des doutes subsistent : au sein du Conseil de l’Union européenne, 10 États membres – dont l’Italie, la Finlande et la République tchèque – se prononcent également en faveur d’une approche basé sur l’analyse du cycle de vie :

« L’emballage réutilisable n’est pas toujours approprié ni la solution optimale pour tous les matériaux et toutes les catégories de produits. Les objectifs en matière de réutilisation et de recharge ne devraient être envisagés que pour les produits dont la réutilisation et la recharge sont techniquement et pratiquement réalisables et offrent un avantage environnemental mesurable par rapport aux alternatives à usage unique. »14

Même la Fondation Ellen McArthur reconnaît, malgré la préférence donnée à la non-utilisation et à la réutilisation, que toutes les utilisations du plastique ne peuvent être résolues en utilisant des matériaux réutilisables et suggère que le recyclage soit l’une des options de valorisation :

« Faire preuve d’innovation afin de s’assurer que les plastiques dont nous avons besoin sont réutilisables, recyclables ou compostables. »15

Alors que faire ?

Un mix de mesures laisse entrevoir la solution idéale :

Réduire

L’utilisation de matériaux doit être réduite au strict minimum sur le plan technique. Pas d’utilisation inutile de plastique, pas de sur-emballage.

Pour les produits non périssables (comme le gel douche), des conditionnements plus grands peuvent améliorer de manière significative le rapport entre la quantité de matériaux utilisés et la quantité de produits conditionnés et réduire ainsi considérablement la quantité de plastique nécessaire.

Il en va de même pour les recharges réalisées à partir de matériaux fins et souples. Il faut toutefois veiller à utiliser autant que possible des monomatériaux afin de ne pas nuire à la recyclabilité.

Réutiliser

Pour de nombreuses applications, les solutions réutilisables offrent une meilleure alternative sur le plan écologique. Le système ReCircle dans le secteur de la restauration à emporter en est un bon exemple.

Autre exemple : les palettes en plastique permettent de réaliser beaucoup plus de rotations que les palettes en bois. Les caisses en plastique pour les emballages de transport durent également longtemps et constituent une bonne alternative aux cartons jetables. La Poste utilise également cette solution avec ses Dispobox jaunes.16

Comme décrit précédemment, une analyse fiable du cycle de vie devrait fournir des données et des résultats permettant de décider si l’alternative réutilisable présente des avantages environnementaux, ce qui est souvent le cas.

Recycler

Lorsque les solutions à usage unique s’avèrent les plus écologiques, le matériau doit être maintenu dans le circuit.

Il existe différents procédés pour y parvenir :

  • Recyclage mécanique (tri, broyage, lavage, séchage, calibrage, compoundage, granulation)

  • Recyclage chimique (récupération des monomères par pyrolyse ou solvolyse)

Les produits doivent être conçus de manière à s’intégrer de manière optimale dans les flux de recyclage et à donner un rendement (yield) élevé.

Pourquoi ne pas renoncer au plastique ?

Si cela a un sens sur le plan écologique et si c’est acceptable du point de vue économique pour les consommatrices et consommateurs, il est préférable de changer de matériau. Là encore, il convient de procéder à une analyse solide, basée sur l’évaluation du cycle de vie, afin de déterminer si la substitution par un autre matériau donne de meilleurs résultats. Et dans ce cas, les plastiques sont bien placés, car ils offrent une efficacité matérielle optimale.17

L’association allemande pour la protection de la nature (NABU) met également en garde contre un changement précipité du plastique vers d’autres matériaux :

« Arrêtons d’induire les consommatrices et consommateurs en erreur. Actuellement, l’engagement des entreprises vise encore trop exclusivement la réduction des matières plastiques, les nouveaux slogans publicitaires mentionnent des caractéristiques telles que « sans plastique », « compostable » ou « biodégradable »". De l’avis de la NABU, de nombreux messages publicitaires utilisant ces slogans induisent les consommatrices et consommateurs en erreur. Les plastiques biodégradables ne se recyclent pas et n’apportent aucune valeur ajoutée à l’humus lorsqu’ils sont compostés. Aux yeux de la NABU, ils ne constituent donc pas une bonne alternative d’emballage. Les consommatrices et les consommateurs ne doivent pas non plus se laisser abuser par le verre jetable ou le papier, présentés comme des alternatives d’emballage plus respectueuses de l’environnement. »18

En ce sens, il est important de soutenir toute initiative qui, dans le domaine du réutilisable ou du recyclage, s’engage pour un système plastique plus durable, ce que fait notamment la nouvelle organisation RecyPac.

 

Quellennachweise

1 Klotz M. et al. (2023): Potentials and limits of mechanical plastic recycling. Department of Civil, Environmental and Geomatic Engineering, ETH Zurich, Zurich.

2 Sackgasse Plastik-Recycling [online] unter: www.greenpeace.ch/de/story/65774/sackgasse-plastik-recycling/ [Zugriff am 4.12.23]

3 Fleisch – was kostet das Stück Lebenskraft [online] unter:  https://www.greenpeace.de/biodiversitaet/landwirtschaft/anbau/fleisch-kostet-stueck-lebenskraft#:~:text=Katastrophale%20Klimabilanz%20durch%20hohe%20CO2%2DEmissionen&text=Vor%20allem%20Wiederk%C3%A4uer%20haben%20einen,Tomaten%200%2C2%20Kilo%20CO2
[Zugriff am 4.12.23]

4 Dinkel F., Bunge R (2017): KuRVe (Kunststoff Recycling und Verwertung) Ökonomisch-ökologische Analyse von Sammel- und Verwertungssystemen von Kunststoffen aus Haushalten in der Schweiz., Cabrotech/UMTEC. Zürich/Rapperswil.

5 Bundesamt für Statistik (2023): Ständige Wohnbevölkerung am Ende des ersten Quartales 2023, Neuchâtel.

6 Franklin Associates, A Division of Eastern Research Group (2018) :LIFE CYCLE IMPACTS FOR POSTCONSUMER RECYCLED RESINS: PET, HDPE, AND PP.). Overland Park.

7 Ecoinvent 3.7.1 dataset documentation - injection moulding – RER

8 Proviande Genossenschaft (2023): Der Fleischmnarkt im Überblick, Bern.

9 Bachmann M. et al. (2022) : Towards circular plastics withhin planetary boundaries. In : Nature Sustainability.

10 Material Economics (2021) : The Circular Economy. A powerful force for climate mitigation, Stockholm.

11 Extinction Rebellion: Wer wir sind [online] unter: extinctionrebellion.de/wer-wir-sind/fakten/ [Zugriff 4.12.23]

12 Project Drawdown: Table of soultions [online] unter:  https://drawdown.org/solutions/table-of-solutions  [Zugriff am 4.12.23].

13 European Parliament : Packaging and packaging waste, Amendments adopted by the European Parliament on 22 November 2023 on the proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on packaging and packaging waste, amending Regulation (EU) 2019/1020 and Directive (EU)2019/904, and repealing Directive 94/62/EC (COM(2022)0677 – C9-0400/2022 –2022/0396(COD)), P9_TA(2023)0425, Amendment 418, Brussels.

14 Non-paper of Finland, Czech Republic, Croatia, Bulgaria, Cyprus, Greece, Italy, Lithuania, Latvia and Slovenia (24.11.2023) on the proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on packaging and packaging waste (PPWR), Brussels.

15 Designing out plastic pollution [online] unter:  www.ellenmacarthurfoundation.org/topics/plastics/overview   [Zugriff am 4.12.23].

16 Dispoibox Die ökologische Mehrwegverpackung aus Kunststoff [online] unter:  www.post.ch/de/pakete-versenden/verpacken-und-adressieren/dispobox  [Zugriff am 5.12.23].

17 GVM Gesellschaft für Verpackungsmarktforschung mbH (2023): Materialeffizienz von Packstoffen im Vergleich, Mainz.

18 NABU Naturschutzbund Deutschland e.V.: Lebensmittelverpackungen im Vergleich [online] unter: www.nabu.de/imperia/md/content/nabude/konsumressourcenmuell/211025-nabu-factsheet_verpackungsvergleiche.pdf [Zugriff am 5.12.23]

 

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